Malheur à s'émerveiller
-23/11/2016-
Rence elle s’appelait
Elle connaissait le bonheur
Car elle connaissait le
malheur Un vrai celui-là
Mais de quoi s’agissait-il
au juste
Au juste elle a dit ce
qu’elle pensait vraiment
Il l’a à peine écoutée
et voilà ce qu’il lui a répondue
Tant que ta tête est sur
tes épaules tu vis
Tant que le printemps
reviendra tu vivras
Et il est reparti dans son
sourire angélique
Mais comment va-t-elle le
vivre - Rence
Car elle n’avait pas
tout compris pourtant
Rence savait qu’elle
avait des raisons de croire
De continuer à promenader
sa joie
Sur les remparts usés de
la haute nature
Sur les minuscules galets
des plages de sables
Sur les vents horripilés
de ses cheveux jaillis
Souvent en rentrant à la
maison elle sombrait
Le temps de relire la
carte de vœux du soir
Qu’elle avait déposée
sur la chaise avant de partir
En quelques secondes elle
perdait son sourire
En relisant la carte et en
quelques instants
Elle retrouvait ses yeux
d’éclairs
Car tous les mots lui
redonnaient l’espoir
Malheur à celui qui ne
sait plus s’émerveiller
(19h27)
Rubis elle s’appelait
Elle disait qu’elle ne savait pas
Mais que voulait-elle
savoir au juste
Cela en plus Rubis ne
pouvait y répondre
Toutes les questions Pas
de questions
Le chant de la poule sur
sa planche à clous
La tuile cassée d’hier
à cause d’un grand vent
La veste séchée par le
soleil inondé de jour
Il ne me reste que la
marmite à remplir
Il ne me faut pas plus de
jambon pour nourrir
Mais qui donc allait-elle
nourrir aujourd’hui
Hier c’était le
marchand de godasses et de soie
Avant-hier le poulet a
sifflé dans le ventre du maçon
Le mur de la jeune
Pleurette est enfin terminé
Et l’autre hier un
plombier et un menteur
Alors quand le juste lui
est apparu là
Avec son soulier neuf et
son pain rance
Qu’allait-elle lui
demander au juste
De balayer de couper le
gazon et les arbres
Et lui voyant son embarra
à trouver
Ne vous inquiétez pas
semblait dire son sourire
Et il lui tendit un papier
qui l’a rendu triste
Malheur à celui qui ne
sait plus s’émerveiller
(19h36)
Pleurette s’appelait-elle
vraiment ou un souvenir
Personne ne lui
connaissait un autre sobriquet
C’est au courage de
monstre qui l’habitait
Tous les matins elle
courait les dix kilomètres
Entre sa maison et sa
grange pour le bois
Tous les après-midi elle
marchait ses dix kilomètres
Pour rapporter les cendres
sorties du poêle
Et le feu du cœur Rien ne
la dérangeait
Elle marchait elle courait
elle allait
Le soir venu seule la
fatigue la guidait
Et sur le sommier sans
matelas Pleurette
Les mains de Pleurette
courbées sur sa jupe
Les ongles fins coupaient
les boutons du chemisier
Les pieds cherchaient à
se réchauffer
Pas de lampe sous le toit
à longue pente
Pas besoin ses yeux se
sont déjà refermer
Et à côté de son homme
à la jambe coupée
A la respiration lente
mais calme à entendre
La couverture les séparait
encore noire
Car Pleurette trop
exténuée pour se dégourdir
Laissait alors ses yeux
danser de larmes
C’est son juste qui l’a
ainsi nommée et disait
Malheur à celui qui ne
sait plus s’émerveiller
(19h47)
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